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Nouvelles du CEN

 

 
 
Perspective étudiante : Émilie Desjardins
11 octobre 2022
 
 

Émilie Desjardins est étudiante au département de Biologie, chimie et géographie de l'UQAR. Elle effectue son doctorat sous la supervision de Dominique Berteaux et François Vézina et son projet porte sur la conservation de la biodiversité au site habité le plus nordique de la planète dans un contexte de réchauffement climatique.

Dans la série de textes "Perspectives étudiantes", la direction du CEN invite des étudiants et étudiantes membres du CEN à partager leurs expériences et leurs perspectives concernant les études, le terrain ou la vie quotidienne.

 

Activité d’identification des plantes arctiques à Resolute Bay

14 avril 2022, la mauvaise nouvelle tombe… Nos collaborateurs au ministère de la Défense nationale annoncent à mon équipe qu’il n’y aura pas de terrain à Alert pour une troisième année consécutive en raison des restrictions sanitaires pour la Covid et de la guerre en Ukraine. J’ai alors rapidement commencé à chercher un plan B pour pouvoir remettre les pieds en Arctique.

 

Je relance Parcs Canada sur une proposition qu’ils m’avaient faite juste avant la pandémie, soit de donner une formation d’identification des plantes vasculaires pour ses employés et les membres de la communauté à Resolute Bay sur l’île de Cornwallis. Bonne nouvelle! Ils sont toujours intéressés et on commence à planifier l’activité pour juillet. J’organise la logistique (billets d’avion et hôtels) et je prépare le matériel pour la formation :  un guide d’identification des plantes arctiques communes que je réalise et illustre moi-même, glossaires botaniques, presses à herbier, loupes monoculaires de terrain, microscope, etc.

 

9 juillet 2020, la date du départ pour Resolute Bay est arrivée! Ça va être une expérience des « premières » : première fois que je prends un avion de la compagnie aérienne Canadian North, que je vais rester dans une communauté autochtone, que je donne une activité d’identification des plantes et que je vais en Arctique seule. En arrivant à Resolute Bay, je découvre un paysage encore plus désertique que ce que j’avais imaginé, plus qu’Alert, qui est pourtant considéré comme un désert polaire! Sur le chemin menant de l’aéroport à mon hôtel, j’aperçois quelques plantes émergeant du substrat rocheux et je me demande avec angoisse comment je vais faire pour mener une activité d’identification des plantes avec aussi peu de végétation… Il y a encore de larges bancs de neige ici et là, la saison de croissance semble légèrement en retard par rapport à la normale.

 

Sans le savoir, je suis en fait venue pile au bon moment puisque les célébrations de la fête du Nunavut commencent le jour de mon arrivée. Durant les trois jours de festivité, tous les gens de la communauté sont dehors, près d’un grand feu de joie, ou en train de se baigner dans la rivière. J’ai ainsi l’occasion de rencontrer des membres de la communauté et de les inviter à participer à mon activité. J’installe également un kiosque d’information avec des photos de la faune arctique à la Co-op afin de rejoindre le plus de personnes de possible. J’en profite pour leur demander le meilleur moment pour tenir mon activité. Unanimement, on me répond le soir. J’adapte mes affiches pour promouvoir l’activité en conséquence et je vais les installer dans des endroits stratégiques : la Coop, le hameau, le gym et le centre médical.

 

Durant les neuf jours suivants mon arrivée, j’en ai profité pour visiter les alentours à pied et chercher des sites adéquats pour réaliser mon activité. À mon plus grand bonheur, j’ai découvert un nouveau paysage arctique, sa flore et sa faune charismatiques. J’ai vu un renard arctique opportuniste aller se régaler des phoques annelés fraîchement chassés par les membres de la communauté. J'ai pu observer longuement plusieurs femelles Harèle Kakawi rassemblées dans la baie de Resolute. J’ai vu pour la première fois des drabas à pétales mauves (vélar de Pallas et parrya arctique) ainsi que des labbes parasites, qui sont étonnamment silencieux par rapport à leurs congénères, les labbes à longue queue. Finalement, en m’éloignant de la communauté, j’ai réussi à trouver des endroits égayés de fleurs colorées poussant sur le substrat rocheux de cet environnement particulièrement rude. Ça y est, mon activité va marcher!

 

Les soirs venus, les participants se réunissaient devant le bureau de Parcs Canada et on se déplaçait par la suite à pied ou en « pick-up » vers les sites que j’avais sélectionnés durant la journée. L’activité a duré 4 soirs, plus un après-midi réservé pour les employés de Parcs Canada. Chaque fois, on visitait différents sites autour du village (rivage de l'océan, rivage d’un lac, milieu mésique et pente de colline) afin d’observer le plus d'espèces végétales possible. Lors de l’activité, j’ai remis à chaque participant tout le matériel nécessaire (truelle, sécateur, presse à herbier, carnet de terrain, crayons, loupe 20X, règle, glossaire botanique et guide d'identification). Pour leur apprendre à utiliser le guide d’identification, j’ai d’abord demandé aux participants de retrouver dans le guide les espèces végétales qu’ils connaissaient déjà. Puis, je leur ai demandé d’identifier des plantes à l’espèce en choisissant au début des espèces faciles comme le saule arctique et le vulpin boréal. J’adaptais le niveau de difficulté en fonction de chaque personne. Pour les plus avancés, je leur ai appris à identifier la fétuque hyperboréale et des drabas, qui sont des espèces identifiables seulement avec l’aide d’un microscope. Les sept participants de l’activité ont été initiés à l'identification des espèces de plantes vasculaires sur le terrain, ainsi qu'au pressage, au séchage, à l'étiquetage et à l'entreposage des spécimens recueillis.

 

Je suis contente d’avoir organisé cette activité, même si au début, j’étais bien loin de ma zone de confort. J’avais aussi des appréhensions concernant ma capacité à donner une formation sur les plantes arctiques. Finalement, l’activité s’est déroulée encore mieux que prévu. Les participants se sont montrés vraiment curieux et enthousiastes et ont tous progressé. Plusieurs, incluant des gens natifs de Resolute Bay, étaient même surpris de voir autant d’espèces de plantes à Resolute Bay. J’espère avoir pu raviver l’intérêt des gens pour toutes ces plantes arctiques exceptionnelles!

 

Ce que j’ai réalisé lors de mon séjour, c’est qu’il faut adapter son agenda à la communauté pour qu’une activité de nature scientifique fonctionne et qu’il ne faut surtout pas négliger les interactions informelles. En plus des sorties à des heures fixes, j’ai échangé avec plusieurs personnes de la communauté juste en me promenant autour de la communauté. Notamment, saviez-vous que les fleurs de saxifrage mauve sont délicieuses lorsque mélangées avec du sirop d’érable ou de la crème fouettée ?!

 

J’aimerais en profiter pour remercier le Programme de formation scientifique dans le Nord (PFSN) et la Fondation de la famille Weston qui ont rendu mon séjour et l’organisation de cette activité possible.

 

Pour ceux et celles qui sont intéressé.es, voici un lien vers le guide d’identification que j’ai préparé spécifiquement pour mon activité : https://acrobat.adobe.com/link/track?uri=urn:aaid:scds:US:9c1dd3b6-1aad-323c-97ab-7f884d2dc2a3

 

À noter que le guide comprend les espèces communes de l’île de Cornwallis, de l’île de Bathurst et d’Iqaluit. Je recommande d’utiliser le glossaire botanique the Kew Plant Glossary pour comprendre les termes utilisés dans le guide d’identification.

 

 
 
 

 
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