Pavillon Alexandre-Vachon
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Le 22 avril 2021, un glissement de terrain majeur s’est produit sur la rive nord de la Grande rivière de la Baleine à près de 8 km de la communauté de Whapmagoostui-Kuujjuarapik au Nunavik. Se faisant, une importante quantité d’argile a enseveli le tapis sédimentaire de la rivière. Il s’en suit un environnement riverain perturbé où l’écologie, les conditions limnologiques et la morphologie de la rivière ont été largement modifiées. Une étude préliminaire a permis d’identifier une forte concentration en sélénium (Se) dans la colonne d’eau; cette dernière dépassant par plus de 50 fois les recommandations gouvernementales pour la protection des organismes aquatiques. Par sa forte concentration et son interaction avec le mercure (Hg), la présence du contaminant potentiel préoccupe les communautés en termes de la viabilité du milieu pour la faune aquatique.
L’objectif général de l’étude est de documenter et mieux comprendre l’impact biogéochimique du glissement de terrain sur les sédiments de la rivière (géochimie) et sur les macro-invertébrés benthiques (biologie) composant le système. L’approche multidisciplinaire relie la géochimie et la biologie par un intérêt commun : déterminer la mobilité des contaminants et la viabilité du milieu après le recouvrement des sédiments de la rivière sous l’épaisse couche d’argile issue du glissement de terrain.
Un gradient spatial de 12 km entre le point d’origine du glissement de terrain et l’ouverture de la Grande rivière de la Baleine sur la baie d’Hudson est étudié. Les sites sont évalués par un volet spatial caractérisant la faune benthique et la composition élémentaire de la colonne de sédiment sur l’étendue de la rivière. Au niveau géochimique, les sédiments sont également étudiés par un volet temporel où leur évolution à travers deux étés (2021 et 2022) et un hiver (2022) est examinée. Les sites d’études se concentrent particulièrement sur l’embouchure de la rivière et offrent l’opportunité de décrire l’étendue affectée par le glissement de terrain, les conditions initiales du système et l’évolution de ce dernier au cours du temps. Une des principales stations d’intérêt se situe à 6 kilomètres du point d’origine et tout près de la station de recherche du Centre d’études nordiques (CEN) où plus de 30 cm d’argile recouvrent les sédiments initiaux.
Un carottier à gravité est utilisé pour recueillir les sédiments. Ils sont collectés avec les eaux porales qu’ils maintiennent par capillarité à l’aide de lysimètres rhizons. L’eau porale est récupérée et séparée dans des flacons distinctement apprêtés pour l’analyse des métaux traces, des anions, des sulfures et du carbone organique dissout (COD), puis conservée à froid pour l’analyse en laboratoire. Là, certains éléments, tels que le fer (Fe), le manganèse (Mn) et Se sont analysés dans les sédiments et les eaux porales. Les échantillons solides sont d’abord lyophilisés, broyés, puis minéralisés. Les échantillons sont ensuite analysés par spectrométrie de masse ou spectroscopie d’émission optique selon leur concentration élémentaire. Le benthos est également échantillonné avec une benne à sédiments. Les sédiments sont tamisés et conservés dans un mélange de formaldéhyde. En laboratoire, les organismes trouvés dans les échantillons sont identifiés et répertoriés au binoculaire.
Le dépôt d’argile a eut un effet direct sur les processus diagénétiques et la mobilité des différents éléments en basculant l’équilibre physico-chimique du milieu; influant ainsi l’action des mécanismes de diffusion, d’adsorption, d’assimilation et de complexation dans les sédiments. On s’attend à un patron de distribution élémentaire non uniforme pour chaque site d’étude. Dans les eaux porales, Se risque de se concentrer à l’interface eau-sédiment et l’arsenic (As) risque de s’emprisonner avec les sulfides ferreux en profondeur. Les formes solides de Fe, Mn, plomb (Pb) et calcium (Ca) risquent de se concentrer à l’interface eau-sédiment, mais de varier au niveau temporel avec les conditions limnologiques changeantes. L’activité biologique du milieu est largement restreinte par le recouvrement argileux. On s’attend à observer une communauté de macro-invertébrés opportunistes se concentrant particulièrement près du panache fluvial de la rivière, aux limites de la zone affectée.