Campus de Rimouski
300 Allée des Ursulines
UQAR
Rimouski
Québec, Canada
G5L 3A1
Le lemming variable (Dicrostonyx groenlandicus) est une espèce clé de la toundra du Haut-Arctique, car il joue un rôle central dans le réseau trophique. Durant le long hiver polaire qui dure de 8 à 10 mois, cette espèce vit sous la neige. Les individus dépendent de l’épaisseur et des propriétés du couvert de neige pour leurs déplacements, leur alimentation, leur thermorégulation et leur reproduction hivernale. Dans un contexte de réchauffement rapide de l’Arctique, on observe des hivers moins froids, une augmentation de la fréquence des épisodes de dégel et de pluie et une réduction de la durée du couvert neigeux. La fonte hâtive de la neige au printemps est susceptible d’avoir un impact important sur cette espèce et, par conséquent, sur l’ensemble du réseau trophique de la toundra, puisque le printemps est une période critique pour les lemmings. Toutefois, l’écologie printanière des lemmings demeure peu connue.
Un comportement intrigant et non expliqué des lemmings variables est qu’ils peuvent faire de nombreuses excursions au-dessus du couvert de neige au printemps, malgré un risque de prédation élevé. Ce comportement offre des occasions exceptionnelles pour étudier les lemmings lorsque la neige couvre le sol. Dans ce contexte, mon projet vise à mieux comprendre l’écologie printanière des lemmings variables. Pour ce faire, mes objectifs spécifiques sont 1) d’expliquer pourquoi les lemmings émergent à la surface de la neige au printemps et 2) de raffiner les méthodes de recherche sur les lemmings (observations et captures) applicables au printemps. Pour le premier objectif, je testerai 3 hypothèses non exclusives : 1) ces excursions reflètent un comportement de pré-dispersion ou de dispersion, 2) les conditions sous-nivales au printemps affectent négativement la survie des lemmings et 3) le rayonnement solaire procure un gain énergétique aux lemmings, ce qui les amène à la surface.
L’aire d’étude se trouve sur le territoire de 165 km2 de la Station des Forces Canadiennes (SFC) Alert sur l’île Ellesmere, au Nunavut (82°30’N, 62°20’W), à 817 km du pôle Nord géographique. Le climat froid et sec d’Alert ainsi que la courte saison de croissance caractérisent le désert polaire de cette région.
En 2019, 10 caméras à déclenchement automatisé (Reconyx, Wisconsin, États-Unis) ont été installées à proximité de tunnels de lemmings lors d’une étude préliminaire. Plusieurs dizaines de caméras supplémentaires seront déployées au printemps 2022. Les données photo et vidéo permettront de décrire et quantifier les sorties des lemmings hors de leur tunnel au printemps. Pour répondre à mon premier objectif, j’utiliserai les traces dans la neige comme indices de dispersion (H1) et réaliserai un suivi des propriétés physiques du couvert neigeux par échantillonnage manuel (H2). De plus, les paramètres météorologiques seront mesurés sur place par des iButtons et une station d’Environnement et Changement Climatique Canada (H3). Pour mon second objectif, je testerai divers dispositifs de capture à la surface de la neige et élaborerai un protocole permettant d’optimiser l’utilisation des caméras à détection automatisée pour observer les lemmings au printemps.
Les résultats préliminaires suggèrent que les lemmings font surface de manière synchronisée à la fin du mois de mai, au retour des températures journalières moyennes près du point de congélation. J’anticipe donc que le comportement des lemmings au printemps s’explique principalement par le gain énergétique procuré par le rayonnement solaire, qui diminue les coûts de thermorégulation (H3). Ces résultats fourniront une meilleure compréhension de l’impact de différents facteurs environnementaux sur l’écologie des lemmings en dehors de la saison estivale.