Pavillon Charles-Eugène-Marchand
1030 avenue de la Médecine
Université Laval
Québec
Québec, Canada
G1V 0A6
L’extrême-Arctique et ses écosystèmes sont aujourd’hui au centre de l’attention de la communauté scientifique environnementale. Situés en première ligne face aux effets du changement global et du réchauffement climatique, les écosystèmes de la cryosphère arctique risquent de disparaître sous peu, ce qui induira une immense perte de biocénoses et de biotopes uniques et souvent inconnus. Les communautés virales du Grand Nord, par exemple, sont encore très minoritairement caractérisées et ce malgré le rôle indispensable qu’on leur connaît. En plus d’être des éléments clés dans les cycles biogéochimiques et dans l’évolution des organismes, les virus interviennent dans le transfert d’énergie et la régulation des écosystèmes à une échelle microbienne. Dans les environnements polaires, où les micro-organismes représentent la plus grande biomasse, l’activité virale peut être un facteur de régulation crucial dans la dynamique et la composition des communautés.
L’objectif premier de ce projet est de caractériser une fraction spécifique des communautés virales du Grand Nord, le Nucleocytoviricota, dans un contexte de changement rapide de l’environnement. Ce phylum viral regroupe toutes les familles de virus nucléocytoplasmiques à grand génome d’ADN (NCLDVs), aussi appelés grands virus et virus géants. Ces virus ont la particularité d’infecter uniquement des cellules eucaryotes et possèdent un génome de très grande taille qui code pour des centaines, voire des milliers, de gènes métaboliques dont certains sont impliqués dans l'absorption de nutriments, la glycolyse ou encore le cycle TCA. De récentes études ont révélé que le taux d’endémisme des NCLDVs des environnements aquatiques polaires est majoritaire (Endo et al., 2020) et que ceux-ci jouent un rôle clé dans l'évolution des communautés micro-eucaryotes et le fonctionnement des cycles biogéochimiques.
Afin de caractériser cette fraction virale, différents écosystèmes vont être étudiés à proximité de la station de recherche de l’île de Ward Hunt (85°05 N, 74°10 O). Située à l'extrémité nord du Canada, au large de la côte nord de l'île d'Ellesmere et dans le parc national de Quttinirpaaq, l’île comprend des lacs, des plateformes glaciaires, des fjords ainsi qu'un lac à épiplateforme.
L’analyse de la diversité taxonomique et fonctionnelle du Nucleocytoviricota sera appréciée selon une première approche métagénomique et bioinformatique réalisée à partir d’échantillons d’eau libre et de biofilms microbiens. Les analyses des échantillons d’eau seront menées à partir de métagénomes préalablement construits lors d’études antérieures dans la zone d’étude. Concernant les analyses des biofilms microbiens, les échantillonnages seront effectués sur la périphérie du lac Ward Hunt et sur les vestiges de la plateforme de glace de l'île Ward Hunt, adjacente à l'île. De retour au laboratoire, les acides nucléiques seront extraits, purifiés et séquencés. Enfin, des échantillons seront également prélevés sur nos sites d'échantillonnage dans le but d'isoler et de cultiver des pathosystèmes NCLDVs-hôtes.
L’identification suivie de l’annotation taxonomique et fonctionnelle des séquences virales du Nucleocytoviricota permettra d’illustrer la grande diversité des NCLDVs de ces écosystèmes. Une attention particulière sera portée à la mise en évidence de gènes métaboliques accessoires qui affectent l’efficience d’infection et qui sont impliqués dans les cycles biogéochimiques. Dans le cas où de tels gènes seraient identifiés, il serait alors envisageable de les exprimer in situ pour en comprendre la fonction et l’influence précise. Enfin, une fois qu'un système virus-hôte sera mis en culture, j'ai l'intention de mener une série d'expériences pour tester l'effet des variations des paramètres environnementaux liés au changement climatique sur la dynamique de l'infection.