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Les populations à la limite sud de l’aire de répartition des espèces boréales semblent les plus susceptibles d’être altérées par les changements globaux contemporains. Les populations y sont souvent petites, isolées et elles persistent dans des conditions environnementales sous-optimales. Soumises à de fortes pressions de sélection, elles sont enclinées à présenter des adaptations nécessaires pour contrer la menace d’extinction. Le pin gris est l’espèce boréale transcontinentale la mieux adaptée aux fréquents feux de forêt via le sérotinisme. Sa banque de graines est conservée dans la canopée dans des cônes fermés. Les graines ne sont libérées qu’à la suite d’un feu. Pourtant, à sa marge sud, le pin gris présente une variabilité associée au sérotinisme où le climat est peu propice aux feux naturels. Certaines populations montrent des cônes non-sérotineux. Cette variabilité pourrait être une adaptation locale permettant à l’espèce de se reproduire en absence de feux récurrents.
Le projet de recherche vise à étudier la dynamique éco-évolutive des populations formant la limite sud de l’aire de répartition d’une espèce boréale transcontinentale en focalisant sur les patrons de la diversité́ génétique de l’espèce. Ces patrons seront caractérisés chez les populations marginales de pin gris au Bas-Saint-Laurent et contrastés avec des populations du biome boréal afin d’identifier (i) le patrimoine génétique endémique à la marge sud, (ii) les processus évolutifs démographiques (flux de gènes et dérive génétique), (iii) la capacité de migration de ces populations vers le biome boréal, (iv) la signature moléculaire de la sélection naturelle et (v) l’adaptation locale d’un trait phénotypique de l’espèce (sérotinisme) en réponse aux conditions environnementales (ex. cycle de feu) à la limite sud de l’espèce.
Environ 800 individus d’une cinquantaine de sites naturels de pin gris seront échantillonnés à l’échelle de l’aire de répartition de l’espèce au Québec (20 sites : limite sud; 24 sites : centre boréal; 10 sites : limite nord). Dans l’est du Québec, le pin gris atteint sa limite sud dans la région du Bas-Saint-Laurent, à l’interface de la forêt décidue. Les populations y sont petites, moins nombreuses et plus isolées que dans le biome boréal, sur la rive nord du Saint-Laurent. La plupart des sites échantillonnés à la limite sud sont localisés dans la région de Kamouraska. Les populations de pin gris de cette région dominent au sommet des collines rocheuses et sont contraintes par une faible fréquence des feux. À l’inverse, caractérisé par un régime de feux fréquents dans le centre boréal, des sites seront échantillonnés le long de la route de la Baie-James, de la Trans-Taiga et de la route Trans-Québec–Labrador jusqu’à la limite nordique de l’espèce située à Kuujjuarapik-Whapmagoost.
Un relevé phylogéographique sera réalisé grâce au génotypage de marqueurs de l’ADN cytoplasmique, lesquels seront utilisés pour caractériser la structure et la diversité génétique des populations de pin gris à l’échelle régionale du Bas-Saint-Laurent. Ces patrons seront comparés avec ceux des populations du centre boréal. Les mêmes populations seront génotypées avec la technologie DArTseq afin de révéler les signatures génomiques d’adaptation locale. Ces signatures génomiques seront validées en tests de provenance-descendance de pin gris dans la vallée de la Matapédia (limite sud) et à Labrieville (centre boréal). Un total de 600 individus seront phénotypés pour le sérotinisme et génotypés avec la même technologie que celle employée en populations naturelles. La correspondance des associations génotype-phénotype de diverses provenances et le signal d’adaptation locale pour le sérotinisme seront vérifiés. L’héritabilité pour le sérotinisme sera estimée.
On s’attend à ce que les populations à la limite sud de l’aire de répartition présenteront une plus faible diversité génétique intra-populationnelle, mais une plus forte différenciation inter-populationnelle par rapport aux populations du centre boréal. Sachant que la réponse des espèces au réchauffement climatique se traduit par une migration vers le nord de leur aire de répartition, on s’attend à trouver un flux de gènes directionnel de la marge sud vers le centre boréal. Soumises à un long cycle de feu, la variabilité du sérotinisme pourrait conférer un avantage adaptatif aux populations marginales. On s’attend que certaines régions génomiques potentiellement soumises à une pression de sélection naturelle seront impliquées dans l’adaptation locale aux conditions environnementales de la marge sud. Ces populations présenteraient des cônes moins sérotineux que les provenances boréales dans les deux tests de provenance-descendance si le sérotinisme est héritable.