Pavillon Abitibi-Price
2405 rue de la Terrasse
Université Laval
Québec
Québec, Canada
G1V 0A6
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Les milieux humides font l’objet depuis plusieurs décennies de grandes pressions en raison des activités anthropiques, notamment le développement agricole et l’urbanisation. Ces activités peuvent avoir de profondes répercussions dans la structure et la composition de la végétation tourbicole en raison de l’instauration de conditions moins humides. Les nouvelles conditions peuvent favoriser l’installation d’espèces terricoles, de même qu’une densification du couvert arborescent via des arbres communs à ces écosystèmes ou par des arbres moins fréquents. Il en résulte une homogénéisation de la flore des tourbières avec celle des milieux environnants. Les processus de formation et d’accumulation de la tourbe sont aussi souvent grandement ralentis, de sorte que les tourbières ne remplissent plus leur fonction de puits de carbone. Dans la région des basses-terres du St-Laurent, plusieurs tourbières sont caractérisées par un important processus de boisement depuis le début du XXe siècle.
La tourbière d’Issoudun est caractérisée par la présence de peuplements forestiers sur tourbe sur chacune de ses bordures. Ces peuplements sont surtout composés par le mélèze laricin et l’érable rouge. Mon projet de maîtrise a comme principal objectif de décrire et d’expliquer la dynamique forestière contemporaine, c’est-à-dire depuis environ 100 ans, qui s’opère au sein de cette tourbière. Plus spécifiquement, je déterminerai les patrons spatio-temporels de colonisation des espèces arborescentes, et j’identifierai les facteurs qui ont déclenché le processus de boisement de la tourbière et la dynamique forestière subséquente.
La tourbière ombrotrophe d’Issoundun est située dans les basses-terres du St-Laurent au sud-ouest de la ville de Québec. D’une superficie de 275 ha, sa structure végétale est majeure partie ouverte et l’épaisseur de matière organique atteint 400 cm dans sa partie centrale. Le couvert végétal de sa portion ouverte consiste principalement en des éricacées sur un épais couvert de sphaignes. De nombreuses épinettes noires de taille arbustive y sont aussi présentes. La bordure de la tourbière est boisée sur une distance de plus de 200 m à certains endroits. Les principales espèces arborescentes sont le mélèze laricin, l’érable rouge et le sapin baumier. Les conditions au sol y sont nettement moins humides que dans la partie centrale. La tourbière se trouve au sein d’une matrice paysagère agricole et est ceinturée de canaux de drainage. Certains canaux traversent la tourbière dans sa partie est. C’est aussi dans cette partie que la densité du couvert forestier est la plus importante.
Un transect linéaire de 400 m a été établi de la bordure forestière, où se trouve un canal de drainage, vers la partie centrale ouverte. Des inventaires floristiques et le dénombrement de tous les arbres ont été menés. Des tiges de mélèze et d’érable rouge ont été échantillonnées pour déterminer leur âge à l’aide de la dendrochronologie. Grâce aux dates d’établissement et de l’emplacement des arbres sur le transect, le patron spatio-temporel de la progression du couvert forestier sera établi. Ce patron ainsi que la largeur des cernes de croissance seront croisés à la période de construction des canaux de drainage et aux données climatiques historiques afin de voir si les canaux et le climat peuvent expliquer le déclenchement et le processus de boisement subséquent. Pour vérifier si la présence des arbres est un phénomène récent ou plus ancien, deux monolithes de tourbe couvrant quelques centaines d’années ont été échantillonnés à des fins d’analyse macrofossile.
Je testerai deux hypothèses. La première est que la présence d’un couvert forestier sur tourbe à la bordure de la tourbière est un phénomène récent associé à la construction de canaux de drainage ayant eu lieu au début des années 1950. Ces canaux auraient provoqué une baisse de la nappe phréatique et un assèchement de la tourbe de surface. Il s’agirait alors d’un phénomène de boisement accéléré pour lequel le climat des dernières décennies aurait aussi eu une influence sur la croissance subséquente des arbres. Ma seconde hypothèse est le mélèze est présent localement depuis longtemps, mais son abondance aurait augmenté suite à la modification des conditions hydrologiques. En contrepartie, l’érable rouge se serait installé beaucoup plus récemment (⁓50 ans).