Centre Eau Terre Environnement
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CoCouvrant de vastes étendues de l'hémisphère nord, les écosystèmes aquatiques thermokarstiques sont le siège d'une transformation intense de la matière organique par les microorganismes. Avec le réchauffement climatique et le « verdissement de l'Arctique », le régime biogéochimique de ces milieux pourrait se trouver perturbé. En effet, la stimulation attendue de la production primaire pourrait amener davantage de carbone labile dans les systèmes aquatiques, accélérant ainsi la consommation de carbone allochtone, provenant de la décomposition de la tourbe associée à l'érosion du pergélisol, par un effet de levier. En favorisant l'émission dans l'atmosphère de carbone immobilisé depuis plusieurs milliers d'années, sous forme de gaz à effet de serre (GES), cet effet de levier pourrait constituer un mécanisme important de rétroaction positive pour le climat et mérite aujourd'hui notre attention.
L’objectif de ce projet de doctorat est d'évaluer l'hypothèse selon laquelle l'effet de levier augmente significativement la minéralisation de la matière organique allochtone.
L’étude débutera avec un travail de terrain en juillet 2016 à l’île Bylot (Nunavut), en zone de pergélisol continu, où une panoplie de systèmes aquatiques est représentée: lacs thermokarstiques, lacs de kettle, mares en coin de glace et mares polygonales, avec des niveaux variables de colonisation par les algues benthiques et les plantes aquatiques. Des échantillons de matière organique seront prélevés dans différentes couches du pergélisol, en fonction de l’âge du carbone, ainsi que la matière organique récemment fixée par les plantes les algues. Cette matière permettra de produire des lixiviats (matière organique dissoute) de différents âges/sources. Une série d'expériences seront alors réalisées en incubant sous conditions ambiantes différentes proportions des lixiviats produits (vieux et jeune carbone), avec ou sans amendement de nutriments et en faisant varier l'exposition à la lumière.
Durant ces expériences d'incubation, les propriétés de la matière organique dissoute seront suivies de près, ainsi que la production de GES et la consommation de l'oxygène comme indices de la respiration. D'autres biomarqueurs, tels que les acides gras, les ratios stœchiométriques seront utilisés pour évaluer l'activité microbienne. Des analyses des isotopes stables permettront de suivre les flux de carbone au cours de l'expérience et ainsi de quantifier l'effet de levier si le processus est observé. Des mesures de production par incorporation de leucine tritiée et un suivi de l'activité enzymatique et de la biomasse bactérienne (microscopie et cytométrie en flux) nous permettront d'estimer la production et l'efficacité de croissance bactérienne. Le CO2 produit sera récolté en fin d'incubation pour la datation au 14C. Ces expériences, préférablement réalisées sur le terrain, pourront être également effectuées en conditions contrôlées au laboratoire. Au cours de la 2e année, d'autres sites seront sélectionnés, notamment à la limite sud du pergélisol près de la station de Kuujjuarapik où le carbone est de nature différente (âge, labilité) et où l'activité des plantes aquatiques diffère.